Phénomènes extraordinaires pour patients ordinaires :
Si certaines guérisons extraordinaires concernent des patients remarquablement persévérants, d’autres semblent frapper au hasard des patients qui ne l’ont pas particulièrement cherché. Mais finalement, est-ce rassurant ou angoissant que les guérisons " miracles " ne répondent parfois à aucune logique ?
À force de lire des témoignages de patients qui guérissent par la force de leur esprit ou semblent soudainement touchés par la grâce, certains malades peuvent culpabiliser et se dire : " Si je ne guéris pas, c’est de ma faute. Je manque de force, de volonté " voire, pour les croyants : " Je n’ai pas d’importance aux yeux de Dieu. " Pour le neurologue Antoine Sénanque, ces guérisons inexpliquées véhiculent, au contraire, quelque chose d’essentiel aux patients pour qui la médecine conventionnelle ne peut plus rien : l’espérance. C’est selon lui un " grand devoir " pour un médecin car une lacune d’espérance est un " facteur aggravant " de la maladie. Quant à la " banalité " qui ressort de nombre de ces témoignages de patients qui semblent avoir été " comme traversés par le miracle " sans l’avoir cherché, il la juge finalement rassurante, car elle laisse présager qu’il n’y a pas de facteur favorisant pour en bénéficier.
Le neurologue va même plus loin. Quand on lui demande si certaines guérisons sont absolument impossibles (par exemple en cas d’atteinte " purement physique ", comme une irradiation par source nucléaire), il répond : " Non, le miracle est par définition illimité. Si vous commencez à mettre une limite au miracle, il n’y a plus de miracle. À partir du moment où l’on croit en des choses qui dépassent la rationalité de la médecine, il faut considérer que ces guérisons peuvent toucher absolument toutes les maladies. "
Journaliste américain, Norman Cousins se voit diagnostiquer à 49 ans une spondylarthrite ankylosante, une forme d’arthrite qui provoque une rigidité progressive des vertèbres du dos. Son cas est déclaré incurable et il est voué à rester sur une chaise roulante pour le restant de ses jours. Décidé à profiter du peu de temps qu’il lui reste à vivre, Norman quitte l’hôpital, se met à regarder à longueur de journée des films comiques et réduit son traitement à de fortes doses de vitamine C. Dès qu’il rit au moins quinze minutes, il parvient à dormir deux heures sans douleurs. Doucement, ses symptômes commencent à disparaître et ses médecins le déclarent finalement guéri. Pionnier de la psycho-neuro-immunologie (lire "Reconnecter corps et esprit"), il expliquera dans La Biologie de l’espoir, le rôle du moral dans la guérison (éd. Seuil) comment l’optimisme, le moral et le rire peuvent " modifier le cours des maladies graves et favoriser la guérison de patients condamnés par les médecins ".
En France, il est difficile d’évoquer le phénomène en faisant l’impasse sur les célèbres miracles de Lourdes. Depuis 1858, dans la cité mariale, 7 500 dossiers de guérisons inexpliquées ont été déposés auprès du Bureau des constatations médicales (une instance unique au monde constituée de médecins) et 70 miracles ont été reconnus, soit un peu moins de 1 %. En 2013 pourtant, le sociologue Gérald Bronner s’est attelé à un savant calcul et a conclu que Lourdes n’est pas " une terre d’élection du miracle " puisque, statistiquement, il ne s’y en produit pas plus qu’ailleurs. Finalement rassurante, cette information laisse penser qu’il n’est pas forcément nécessaire de se déplacer dans un endroit spécifique ni de développer une foi ardente pour bénéficier d’une guérison spontanée.
Guérison durant les rêves :
Nous savons depuis plusieurs décennies que jusqu’à 60 % des patients atteints de la maladie de Parkinson ne tremblent pas pendant leurs rêves et sont même capables de mouvements complexes. Faut-il y voir une piste thérapeutique d’avenir pour soigner les maladies neurodégénératives ?
Valérie Cochen de Cock, neurologue et spécialiste des troubles du sommeil sous Parkinson au pôle sommeil de la clinique Beau Soleil à Montpellier, et Isabelle Arnulf, neurologue et cheffe du service des pathologies du sommeil à la Pitié-Salpêtrière à Paris, expliquent dans un article scientifique que 15 à 59 % des patients atteints de maladies neurodégénératives ont fréquemment des mouvements complexes, voire violents, durant la phase de sommeil paradoxal et ne semblent alors plus souffrir des troubles habituels liés à leur maladie (tremblements, troubles de la coordination, manque d’expressions faciales, mais aussi souplesse et capacités d’articulation).
Ces patients « donnent des coups, rient, crient ou combattent d’invisibles ennemis pendant leur sommeil paradoxal », la dernière des cinq phases du sommeil durant laquelle les rêves reviennent plus facilement à la mémoire, et qui se repère de l’extérieur par des mouvements rapides des yeux sous les paupières du dormeur. Ces mouvements, appelés « mouvements oniriques » peuvent même aller jusqu’à blesser le dormeur ou son conjoint. En effet, ces dormeurs font alors parfois preuve d’une « force inhabituelle ». En filmant en clinique ou en interrogeant les conjoints de ces dormeurs, les deux chercheuses observent que ces rêveurs présentent « étonnamment » une « franche amélioration de la qualité des mouvements et de la voix » pendant leurs rêves, « comme s’ils étaient guéris de leur maladie ».
Le mécanisme exact qui permet à ces patients de voir disparaître leur syndrome parkinsonien en phase de sommeil paradoxal reste à préciser, mais les scientifiques pensent que ce phénomène est probablement causé par des « lésions » touchant le noyau sous-cortical du cerveau (locus cœruleus) habituellement responsable de l’atonie chez les sujets sains dans cette phase du sommeil.
D’après leurs observations cliniques, Valérie Cochen de Cock et Isabelle Arnulf déclarent qu’on pourrait « émettre l’hypothèse [que] la boucle extrapyramidale de contrôle de la motricité pourrait être soit remise en état de marche normal, soit court-circuitée », la seconde hypothèse semblant être la plus probable.
Cette information étonnante pourrait ouvrir aux chercheurs une piste prometteuse dans la compréhension des troubles neurodégénératifs et leur traitement. Différents programmes de recherche sont en place pour mieux comprendre le phénomène. En attendant, ils constituent également un signal précoce important à prendre en compte.